Soutenance de thèse : Louise Dupraz

La représentation corporelle, étonnamment plastique, peut présenter des déviations importantes par rapport aux frontières du corps biologique. Les paradigmes d’incorporation illustrent cette plasticité. Il est possible, par exemple, d’intégrer à la représentation corporelle une main en caoutchouc, ou de faire émerger un sentiment d’incorporation pour un avatar d’âge différent de celui du participant. L’incorporation d’un avatar s’accompagne de conséquences perceptives, cognitives et comportementales, ces dernières ayant largement été étudiées dans le cadre de l’effet Proteus. Par exemple, l’incorporation d’un avatar attractif, plutôt qu’un avatar peu attractif, conduit les participants à se montrer plus confiants et extravertis aux cours des échanges, conformément aux stéréotypes relatifs à la beauté. Ce phénomène de conformisme aux stéréotypes associés à l’avatar incorporé a été discuté au regard de différents processus : processus d’auto-perception, effet d’amorçage, processus d’incorporation, adhésion aux stéréotypes. Toutefois, les arguments empiriques sont insuffisants pour comprendre précisément les mécanismes sous-jacents à l’apparition du phénomène. Un premier objectif de ce travail de thèse était de confirmer l’intervention d’un mécanisme additionnel à celui d’un effet d’amorçage situationnel direct dans l’apparition de l’effet Proteus. Conformément à l’hypothèse, les études ont démontré le phénomène au-delà de l’activation des stéréotypes associés à l’avatar. Un second objectif était de tester le rôle causal du processus d’incorporation sur l’apparition de l’effet Proteus. Contrairement à ce qui était attendu, un effet Proteus a été retrouvé indépendamment du fait de considérer le corps de l’avatar comme étant sien. Les résultats sont en faveur de l’apparition du phénomène dès lors qu’une relation identitaire est instaurée avec l’avatar. Un dernier objectif visait à examiner la contribution d’un changement de perception de soi dans l’apparition de l’effet Proteus. Les études n’ont toutefois pas permis d’en attester. En somme, le présent travail de thèse apporte des éléments de compréhension de l’effet Proteus et incite à poursuivre la démarche d’approfondissement théorique vers l’étude des mécanismes relatifs à la perception de soi implicite. Améliorer la compréhension des mécanismes sous-jacents au phénomène offre des perspectives dans le domaine de la prise en charge thérapeutique et de la prévention des risques psycho-sociaux.