CLARA CARREZ-CORRAL

Influence des attentes sur la perception visuelle. (Projet ANR-EXPER: Elucidating how expectations shape subjective perception)

Thèse sous la direction de Louise Kauffmann (MCF UGA) et Carole Peyrin (DR CNRS)

Malgré la complexité du monde visuel qui nous entoure, nous sommes capables de percevoir l’environnement et de lui attribuer du sens sans effort. Pour cela, nous nous appuyons sur nos connaissances concernant les régularités statistiques de l’environnement, acquises au travers de nos expériences sensorielles. Ces connaissances permettraient de générer des prédictions sur ce qui est le plus probable dans un contexte donné, et d’optimiser la reconnaissance des éléments attendus d’une scène, même lorsqu'ils sont partiellement occultés ou ambigus (Bar & Ullman 1996 ; Bar, 2004 ; Oliva & Torralba, 2003 ; Clark, 2013 ; Friston & Feldman, 2010 ; Friston et al., 2005 ; de Lange et al., 2018 ; Press et al., 2020). 

Ce principe de traitement de l’information visuelle, dit proactif, est largement soutenu par la littérature. Par exemple, des études antérieures montrent que nos connaissances sur les associations contextuelles (i.e., co-occurrence objet-scène) influencent directement la reconnaissance des scènes et des objets (Davenport, 2004 ; Greene et al., 2015 ; Joubert et al., 2007, 2008 ; Palmer, 1975 ; Roux-Sibilon et al., 2019 ; Oliva & Torralba, 2007 ; Davenport & Potter, 2004). La plupart de ces travaux manipulent la congruence sémantique entre un objet et le contexte de la scène dans lequel il apparaît et montrent, par exemple, que les objets (e.g., un animal) sont mieux reconnus lorsqu’ils sont présentés dans une scène sémantiquement congruente (e.g., scène d’extérieur) plutôt qu’incongruente (e.g., scène d’intérieur ; Davenport & Potter, 2004). En considérant que le contexte d’une scène permet de générer des prédictions sur les objets les plus probables d'apparaître, ces effets de congruence sémantique pourraient indiquer que les prédictions issues du contexte influencent la reconnaissance des objets (Bar, 2004, 2006 ; Oliva & Torralba, 2007 ; Roux-Sibilon et al., 2019 ; Greene et al., 2015 ; Leroy et al., 2020). Dans ce cas, l’accès aux informations contextuelles permettrait de réduire le nombre d’interprétations possibles de l’entrée visuelle pour faciliter la reconnaissance des stimuli les plus probables (Bar, 2004 ; Oliva & Torralba, 2007).

De manière intéressante, plusieurs études se sont également intéressées à l’influence des connaissances et des prédictions qui en découlent, non pas sur la performance lors de tâche de catégorisation ou de reconnaissance (e.g., précision et rapidité de reconnaissance), mais sur le contenu même de la perception visuelle (i.e., l’apparence subjective des stimuli ; Hansen et al., 2006 ; Han & VanRullen, 2016 ; Witzel et al., 2011 ; Lupyan, 2017 ; Rossel et al., 2022, 2023 ; Perez et al., 2020). Ces travaux ont montré qu’un même observateur peut percevoir différemment deux stimuli pourtant physiquement identiques, selon qu’ils sont conformes ou non à ses attentes perceptives. Par exemple, Rossel et al. (2022) ont montré qu’un objet flou intégré dans un contexte congruent (donc permettant la génération de prédiction sur l’objet) était subjectivement perçu comme plus net que le même objet flou intégré dans un contexte brouillé en phase (donc sans possibilité de générer des prédictions sur l’objet). Ces travaux suggèrent que les prédictions influencent non seulement la rapidité ou la fiabilité de la reconnaissance, mais également la phénoménologie de la perception, c’est-à-dire l’expérience subjective vécue par l’observateur. L'objectif principal de ce travail de thèse est de préciser dans quelle mesure et par quels mécanismes les prédictions sont susceptibles d’influencer l’apparence subjective des stimuli visuels. 

Thèse préparée au Laboratoire de Psychologie et de NeuroCognition (CNRS UMR 5105) et dans le cadre de l’École Doctorale Ingénierie pour la Santé, la Cognition et L’Environnement (EDISCE).

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