Soutenance de thèse de Merrick DIDA

L'étiologie du mal des transports (cinétoses) a fait l'objet de deux grands courants théoriques. Selon Reason (1978), les cinétoses seraient causées par des conflits sensoriels émergeants lors de mouvement de l'individu par rapport à l'environnement. A l’opposé, Riccio et Stoffregen (1991) considèrent que les cinétoses seraient provoquées par des instabilités dans le contrôle postural. De nombreuses études expérimentales et de modélisation ont été réalisées pour établir une relation entre la stabilité posturale et la susceptibilité aux cinétoses. Bien que la démonstration d'une relation de cause à effet fasse encore défaut, des études récentes suggèrent que les personnes souffrant du mal des transports présentent un déficit dans la sélection et la repondération des informations sensorielles pour faire face aux modifications de l’environnement. Dans cette thèse, nous avons étudié comment l'adaptation posturale se développe et comment les dynamique d'intégration multisensorielle sont modulées en fonction du degré de susceptibilité aux cinétoses.

Nous avons utilisé une tâche posturale dans laquelle les participants se tenaient sur une plateforme posturographique avec les yeux ouverts (YO) ou les yeux fermés (YF) pendant trois minutes. La plateforme était statique pendant la première minute (phase de référence), oscillait de façon harmonique ou était asservie à l'angle de la cheville pendant la deuxième minute (phase de perturbation) et revenait à son état stable pendant la troisième minute (phase de retour). Nous avons calculé la densité spectrale de puissance (PSD) de la composante antéro-postérieure du centre de pression sur une fenêtre temporelle glissante d'une durée de 10 secondes. Dans la première expérience (perturbation par oscillation), une analyse en composantes principales (PC) a été appliquée aux PSD. Les résultats ont montré que les participants peu susceptibles aux cinétoses (mesuré par le Motion Sickness Susceptibility Questionnaire) avaient une balance spectrale similaire dans les conditions YO et YF. En revanche, les participants susceptibles présentaient une diminution de la balance spectrale dans la condition YF par rapport à la condition YO. Par ailleurs, les yeux fermés, les personnes peu susceptibles aux cinétoses revenaient beaucoup plus tardivement à leur spectre de référence. Ces résultats suggèrent que les participants peu susceptibles ajustent finement leur spectre dans la phase de perturbation (i.e. repondération) et mettent donc plus de temps à revenir à leur contrôle postural initial, en particulier avec les yeux fermés. Il existe donc une relation entre l'altération de la capacité de repondération sensorielle et la susceptibilité aux cinétoses. Dans la deuxième expérience (yeux fermés, perturbation par asservissement), des ratios d’énergie entre les bandes de hautes (0.7 à 1.3 Hz) et basses (0.1 à 0.7 Hz) fréquences ont été calculés sur des fenêtres temporelles clés. Les résultats ont révélé une corrélation négative entre la susceptibilité aux cinétoses (i.e. cinétoses en voiture) et la différence de ratio entre la fin de la phase de perturbation et le retour à une situation stationnaire. Ces résultats sont discutés en termes de différences dans les dynamiques de repondération vestibulaire et proprioceptive. Cependant, lorsque des informations visuelles sont disponibles (expérience 3), cette corrélation devient non significative. Bien qu'il soit largement admis que l'origine des cinétoses est étroitement liée au fonctionnement du système vestibulaire, les expériences 1 et 2 ont souligné le rôle de l'information visuelle pour les participants susceptibles.

Alors que la plupart des études de la littérature sur la relation entre les cinétoses et le contrôle postural ont soumis les participants à des situations nauséogènes, nos résultats          mettent en évidence une relation entre l'altération de la capacité de repondération sensorielle et la susceptibilité aux cinétoses dans des situations qui n'induisent pas de symptômes. La pondération sensorielle ainsi que la capacité de réorganisation sensorielles pourraient être des facteurs prédictifs de la susceptibilité au mal des transports.

Sous la supervision de Michel GUERRAZ, Professeur des université, Université de Savoie Mont-Blanc - Directeur de thèse
Rafael LABOISSIÈRE - Chargé de recherche, CNRS Délégation Alpes - Co-directeur de thèse

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