Soutenance de thèse : Lucile MEUNIER-DUPERRAY

La littérature scientifique sur la métacognition et le vieillissement contient de nombreuses contradictions. Certaines études ont montré qu’il n’y a pas d’effet de l’âge sur la métamémoire, alors que d’autres ont suggéré que la précision métacognitive (décrite ici comme l’efficacité métacognitive) baissait avec l’âge dans des tâches de mémoire épisodique. Cependant, l’effet de l’âge sur la métamémoire pourrait être influencé par les changements de mémoire liés à l’âge. En d’autres termes, le déficit de métamémoire épisodique chez les personnes âgées pourrait être dû au déclin de la mémoire épisodique lié à l'âge, plutôt qu'à un effet de l'âge sur les processus métacognitifs. Dans cette thèse, l’efficacité métacognitive a été estimée en utilisant un cadre hiérarchique Bayésien connu pour ses qualités psychométriques, et en particulier pour la meilleure indépendance de ses estimations avec les performances à la tâche par rapport aux autres mesures de métacognition. Ceci nous a permis de dissocier les capacités métacognitives des changements de mémoire liés à l’âge. Nous avons exploré la métamémoire dans le vieillissement en utilisant des jugements de confiance et des jugements de Feeling-of-Knowing à travers quatre expériences. Dans un premier temps, nos résultats sur le vieillissement sain ont montré que la métamémoire a un statut particulier au sein de la métacognition. Les capacités métacognitives liées aux tâches de mémoire (à la fois épisodique et sémantique) semblaient être affectées par le processus de vieillissement, alors que ceux relatifs à d’autres domaines cognitifs (i.e., fonctionnement exécutif et perception visuelle) étaient stable. Les capacités métacognitives dans tâches épisodiques semblent dépendre des processus liés à la mémoire épisodique, alors que des dissociations peuvent être observées entre les performances de premier et second ordre dans des tâches sémantiques. Par exemple, il a été montré que la mémoire sémantique pouvait s’améliorer avec l’âge, même si l’efficacité métacognitive pour cette tâche diminue. A la suite de ces résultats, nous avons testé l’implication de la familiarité et de la recollection dans les jugements de métamémoire d’adultes jeunes. Nous avons montré que l’efficacité métacognitive était plus élevée pour la familiarité, bien qu’il y ait d’importantes différences de performance de premier ordre. Ce résultat pourrait indiquer que les difficultés de recollection conduisent à une baisse de l’efficacité métacognitive, ce qui est conforme avec l’hypothèse d’une contrainte de mémoire. Selon cette théorie, le déficit de métamémoire épisodique des personnes âgées est le résultat de leurs déficits de mémoire liés à l’âge, en particulier du déficit de recollection. Enfin, nous avons exploré les substrats neuronaux sous tendant la métamémoire chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Les résultats ont montré que la métamémoire épisodique et sémantique étaient dissociées, ce qui est conforme avec l’hypothèse de la spécificité du domaine de la métacognition. L’ensemble de ces résultats ont été discutés en relation avec les modèles actuels de la mémoire et de la métacognition. Conformément aux études précédentes, nous avons proposé que les jugements de métamémoire épisodique des personnes âgées pourraient se baser sur des indices imprécis ou moins détaillés, expliquant le déclin de la précision des jugements. En s’inscrivant dans une démarche innovante et rigoureuse de l’évaluation de la métacognition, ce travail a apporté des preuves robustes des changements de métamémoire survenant à la fois dans le vieillissement sain et pathologique. Ces résultats contribuent à la compréhension des changements de mémoire liés à l’âge, et pourront être considéré lors du développement de futurs outils cliniques.